Sanction de la violation du secret des affaires

Catégories: Assemblée Nationale, Economie, Ethique, Interventions dans l'hémicycle, video

Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2011-2012



Compte rendu 
intégral

Séance unique du lundi 23 janvier 2012

Sanction de la violation du secret des affaires

Discussion d’une proposition de loi

Discussion Générale

M. Michel Hunault. Monsieur le ministre, comme vous l’avez dit, avec cette proposition de loi nous sommes aujourd’hui invités à débattre d’un sujet d’intérêt national, celui de la protection du secret des affaires, dont dépend la protection effective de nos entreprises face à la concurrence.

Dans un contexte de crise et face à la dématérialisation des échanges, nous devrions être tous d’accord pour dire que les entreprises françaises doivent disposer d’un arsenal juridique suffisant, susceptible de les défendre et de les préserver des risques d’espionnage industriel. C’est tout le sens de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur. Au nom du groupe Nouveau Centre, je souhaite saluer votre travail et surtout votre détermination à œuvrer en ce sens depuis plusieurs années. Soyez-en félicité et remercié.

Monsieur le ministre, protéger les entreprises, c’est renforcer leur compétitivité et garantir leur sécurité économique. Du reste, tout à l’heure vous avez commencé votre intervention en rappelant la volonté du Gouvernement depuis plusieurs années de soutenir nos entreprises. Vous avez rappelé un certain nombre de mesures qui ont précédé cette proposition de loi, notamment la création du Fonds stratégique d’investissement. Sans ce fonds, le chantier que vous avez visité ce matin en Loire-Atlantique, qui représente des milliers d’emplois et de sous-traitants, n’existerait plus.

Le rapporteur a rappelé deux affaires récentes, Valeo en 2005 et Michelin en 2007, qui démontrent que les atteintes au secret des affaires se font de plus en plus nombreuses et causent aux entreprises un préjudice économique important.

Ce préjudice peut se manifester de plusieurs façons : par un impact sur la confiance que les entreprises placent dans le niveau de sécurité de leur système d’information, par des pertes financières ou encore par une atteinte à l’image de marque de l’entreprise.

La question de la protection du secret des affaires, fruit d’un long travail de réflexion, a déjà fait l’objet d’un certain nombre de rapports. Tous convergent vers un même constat, souligné par le rapport du groupe de travail présidé par M. Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation : « l’inadaptation de notre dispositif juridique et technique actuel pour lutter contre les déviances observées dans les relations commerciales internationales, et l’impuissance des services de l’État comme de l’institution judiciaire pour accompagner et soutenir avec succès nos entreprises dans le domaine de la sécurité et de la protection des informations ». C’est bien pour répondre à ce défi que nous allons voter la présente proposition de loi.

Cette situation place nos entreprises dans un état de vulnérabilité et de fragilité face aux États étrangers qui disposent, pour la plupart, d’un arsenal législatif adapté pour faire face aux défis de la concurrence internationale. Ainsi, dans un monde où l’exigence de transparence prédomine, il convient de rappeler la nécessité de préserver le secret des affaires lorsque l’intérêt national le justifie.

Partant de ces constats, l’ambition première de cette proposition de loi, à laquelle le groupe Nouveau Centre adhère, consiste à combler les lacunes de la législation française pour faire de la protection du secret des affaires un principe de notre droit.

Le texte comprend trois volets. Le premier définit la notion de secret des affaires ; le deuxième, dissuasif et répressif, crée un délit de violation du secret des affaires ; le troisième réforme la loi du 26 juillet 1968, dite loi de blocage.

Vous l’avez dit, monsieur le ministre, à l’heure actuelle le secret des affaires ne fait pas l’objet d’une définition suffisamment claire et précise permettant d’assurer une protection effective de nos entreprises. L’article 1er du texte soumis à notre examen propose de pallier ce manque en insérant dans le code pénal une définition des informations protégées relevant du secret des affaires.

M. Clément, que j’ai écouté avec attention, a rappelé certaines notions qui existent déjà, comme l’abus de confiance, le recel, le vol. C’est, je crois, la spécificité du droit français que d’avoir un certain nombre de nuances qui ont toute leur importance dans la définition des délits. La présente proposition de loi vient compléter cet arsenal en créant un délit spécifique sans remettre en cause les définitions et incriminations existantes.

Cette définition est plus étroite que celle prévue en droit international par l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce. Elle est conforme aux recommandations du Conseil d’État. Il doit s’agir d’informations confidentielles, ayant fait l’objet de mesures de protection spécifiques et dont la divulgation, non autorisée, serait susceptible de compromettre gravement les intérêts de l’entreprise concernée. II appartiendra au juge pénal de déterminer ensuite si les informations ayant fait l’objet de mesures de protection remplissent les critères fixés par la loi.

En second lieu, il nous est proposé de créer une infraction nouvelle : le délit de violation du secret des affaires. À ce titre, la commission des lois a relevé la peine applicable à cette infraction. La révélation d’une information protégée relevant du secret des affaires serait ainsi punie de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende, dans un souci d’harmonisation avec les peines réprimant l’abus de confiance.

Enfin, monsieur le rapporteur, vous proposez de réviser la loi du 26 juillet 1968. Cette loi couvre un champ trop large. Elle sanctionne la communication de tout renseignement, quelle qu’en soit la nature. Elle n’est, en définitive, pas suffisamment efficace pour lutter contre les procédés utilisés par les autorités étrangères. La nécessité de réviser la loi de 1968 fait donc consensus.

Dans un monde de compétition où tous les coups bas sont permis, les entreprises doivent être protégées. C’est ce que fait le présent texte. C’est pourquoi je vous apporte, au nom de mes collègues du groupe Nouveau Centre, tout mon soutien.

Cela dit, il est dommage qu’il ait fallu attendre la fin de la législature pour trouver des sujets consensuels. Mais il n’est jamais trop tard.